|
Bien que matériels, les dispositifs de Slimane Raïs ne se résument pas à leurs formes. Ils aménagent des espaces de rencontre avec le public ou rendent compte d'échanges avec des individus. Ces histoires, conversations ou secrets dévoilés, produits dans le cadre d'un territoire, d'une situation sociale ou d'un état d'âme précis, constituent le matériau de base de son travail artistique : la recherche de la part individuelle de chacun de nous au cœur d'un dénominateur commun (ce qu'il désigne par l'expression "plus petit commun multiple").
Pour parler (1998) témoigne de la pratique de l'artiste. Celle-ci est constituée d'une cabine téléphonique au design rétro qui ne sonne pas. On l'active simplement en décrochant le combiné, un geste qui déclenche la composition automatique du numéro de portable de l'artiste. La conversation qui s'ensuit entre le visiteur, devenu co-auteur, et l’artiste, surpris à tout moment dans sa vie quotidienne, se définit comme l’œuvre elle-même, sans cesse en fabrication. La teneur de l’échange engagé n’est pas dévoilée, ni conservée.
Chère Brigitte a été pensée lors d'un appel à projets de l’Observatoire de l’espace du CNES et produite par le FRAC Poitou-Charentes à l'occasion de l’exposition Hors sol (12 février - 14 mai 2016). L’artiste a pris pour point de départ une photographie du fonds d’archives du Centre National des Études Spatiales : la vue d’un cinéma de plein air situé sur la base de lancement d’Hammaguir en Algérie. On y voit des chaises vides devant un écran sans projection. Sur cet espace disponible, l’artiste aménage la rencontre des trois territoires dans lesquels s’inscrit son travail : l’intime, l’autre et la mémoire.
Dans l’exposition, se dresse une cimaise qui évoque à la fois un écran de cinéma et une page blanche. En haut à droite, un néon écrit en langue arabe l’amorce d’une lettre imaginaire avec l’expression Chère Brigitte. Brigitte comme Bardot, incarnation des fantasmes de l’époque, mais aussi Brigitte comme le nom de l’aire de lancement de la base française d’Hammaguir. Les visiteurs sont invités à s’installer sur des fauteuils de cinéma pour écouter une lettre adressée à Brigitte, un courrier de rupture écrit par un anonyme que Slimane Raïs a reçu il y a
une dizaine d’années alors qu’il travaillait sur un précédent projet, Les amours perdues. Placée dans ce contexte, la rupture intime prend une dimension élargie. Brigitte devient la personnalisation de l’histoire commune de deux nations.
Notice : FRAC PC/HD
|
Slimane Raïs
Né en 1964 à Constantine. Vit et travaille à Grenoble

Pour parler
1998
installation, cabine téléphonique, participation de l'artiste
acquisition 2010 | à l'artiste
n° inv. 010.23.1
Collection FRAC Poitou-Charentes
photo : Slimane Raïs

Chère Brigitte
2016
installation, cimaise, néon, sièges, casques, bande-son
avec la voix de
Eric Hurtado
et traduite en arabe et lue par Abdecelem Ikhlef
acquisition 2016 | à l'artiste
n° inv. 016.3.1
Collection FRAC Poitou-Charentes
photo : Richard Porteau
|
|