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Entomologiste de formation, Carsten Höller est passé du domaine scientifique à celui de la création artistique, pouvant ainsi étendre plus librement ses réflexions purement biologiques aux valeurs et aux comportements dits altruistes qui codifient l’organisation sociale et familiale. Ses installations sont de véritables pièges : Pest Control (1993) est un véhicule tout-terrain pour safari que l’artiste a équipé pour mener une chasse aux enfants. Dans ses vidéos, il enregistre la mise en place minutieuse de leurres qui laissent présupposer de leur efficacité : l’une d’entre elles montre l’artiste en train de remplir consciencieusement de méduses urticantes, un trou qu’il a creusé sur la plage, sur lequel, une fois rebouché et camouflé, il plante un petit jouet qui attendra là, une proie toute désignée. Semblant être le gibier de choix de ce chasseur un brin sadique, les enfants représentent pour l’artiste le moyen le plus direct et le plus efficace de toucher, à travers l’indignation des adultes, leurs principes moralement et socialement convenus. À la première vision douce et sucrée de l’installation Komm Kleines, Kriegst was Feines (« Viens mon petit, attrape ce qu’il te plaît », 1991), se substitue une seconde lecture plus acide de cette « chambre d’enfant » : le parc est retourné tel un piège pour bambin à quatre pattes, appâté par une friandise. L’artiste en rappelle ainsi la fonction première : une cage à bébé, et au passage révèle ce qu’il prétend dissimuler : le comportement égoïste (et difficilement avouable) des parents, au-delà de leur souci de protection. Ce piège et ces jouets détournés évoquent aussi les jeux cruels que peuvent imaginer les enfants eux-mêmes, envers leurs petits camarades comme leurs propres objets. Mettant à mal l’image préconçue qu’ont les adultes de leur progéniture (leur « bouts de chou »), Carsten Höller conteste l’univocité et l’idéalisation des sentiments parentaux (pas toujours «fondants de tendresse») face à une enfance moins innocente et plus complexe que l’on voudrait (nous faire) croire.
Notice : FRAC PC/ID
Invité en 1994 à La Couronne (Charente) par le FRAC Poitou-Charentes à réaliser une performance, Carsten Höller proposa un tableau vivant sur le thème de l’amour. De part et d’autre d’un champ de tournesols, un groupe de filles au visage vert et nattes blondes faisait face à un groupe de garçons barbus à grandes oreilles. Montés sur échasses, ils devaient, au signal donné par l’artiste, s’élancer afin de se rejoindre au centre. Démarche malhabile, déséquilibre, la tentative se traduisit pour la plupart par un échec : rares sont ceux qui sont parvenus à destination, d’autres ne sont jamais partis. L’expérience se termina par un canon à l’unique parole : « Animaux ! ».
Traitant ce groupe tel un troupeau devant obéir à ses invectives lancées du haut de son cheval blanc, Carsten Höller réduit le jeu de la séduction à une compétition sans merci. Se jouant, voire tournant en dérision le romantisme d’une rencontre amoureuse, il rappelle ce qui biologiquement justifie certaines caractéristiques morphologiques, provoque comportements compétitifs et parades nuptiales : l’instinct animal de reproduction.
Notice : FRAC PC/HD |
Carsten Höller
Né en 1961 à Bruxelles (Belgique).
Vit et travaille à Cologne (Allemagne).
Komm Kleines, Kriegst was Feines
1991
parc d'enfant, bottes d'enfant en caoutchouc, chocolat,
plâtre, bras de poupée, moquette
dimensions variables
acquisition 1994 | à la galerie Air de Paris, Nice
n° inv. 994.10.1
Collection FRAC Poitou-Charentes
photo : Richard Porteau
©Paris, ADAGP
La pensée des animaux
1994
vidéo, costumes pour enfants, paires d'échasses
dimensions variables
acquisition 1994 | à la galerie Air de Paris, Nice
n° inv. 994.11.1
Collection FRAC Poitou-Charentes
photos : Richard Porteau
©Paris, ADAGP
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